En guise de préface (par Peter Wagner)
Ahmed Ghazali et moi nous sommes rencontrés pour la première fois pour parler de la longue durée dans l’histoire des civilisations, en particulier des civilisations monothéistes. J’ai commencé cette conversation avec ma déformation professionnelle de sociologue, pensant qu’on me demandait des conseils d’universitaire. Mais Ahmed s’intéressait au thème lui-même, et non à son cadrage, académique ou autre. Ce fut le début d’une amitié intense mais de courte durée, qui s’est terminée par la mort violente d’Ahmed lorsqu’il a été renversé par une voiture le matin du 27 juillet 2024 à Laâyoune dans le désert du Sahara.
Ahmed était un passeur entre les mondes – espaces, langues, domaines de travail, genres d’écriture et conceptions du monde. Il était ingénieur, dramaturge, romancier, muséologue et bien plus encore. Observateur aigu des différences et des frontières, il s’efforçait toujours de relier et de rassembler, de passer de l’un à l’autre.
Le texte qui suit est un des nombreux textes posthumes que sa mort subite ne lui a pas permis de publier. Il a été commencé en 1999 et réécrit en 2021. Il part du clivage entre philosophie et littérature, ou entre raison et imagination, comme l'un des « dualismes innombrables de la philosophie occidentale », et il explore les moyens de le dépasser. Contrairement à d'autres écrits, le texte explore ce dualisme dans la forme ainsi que dans le contenu. C'est donc un texte qui se veut lit…